lundi 4 janvier 2010

Amis de la poésie...


Les Berceuses de Federico Garcia Lorca, Allia, 2009, offert (pour l’achat de 2 titres de la collection)
A toute personne se sentant attirée par la poésie, mais que la lecture du moindre poème endort à coup sûr, je conseille Les Berceuses de Federico Garcia Lorca. Drôle de remède pour vous réveiller ! Un poète donc, mais ici dans une conférence de 1928 dont le sujet est des plus pointus : le pathétisme des berceuses espagnoles. Ce très joli texte est présenté dans une traduction nouvelle (par Line Amselem), et pour la première fois en édition bilingue, chez Allia. Au passage, cette maison offre une foultitude de textes courts et adaptés à nos maigres bourses : 3€, 6€… cela avec une qualité typographique, éditoriale et de fabrication en qui font des objets pleins de charme et de sens.[1]

[1] Avant de vous colleter avec Henry Miller et ses Nexus, Plexus ou Tropique du cancer, pourquoi ne pas en tâter avec Reading in the Closets (Lire aux cabinets) (64 p. 6,10€)? Plutôt que de gravir Musil et son Homme sans qualité (roman inachevé de 1700 pages), pourquoi se payer De la bêtise (64 p. 6,10€)? Ou encore titiller George Bataille avec La Mutilation sacrificielle et l'oreille coupée de Vincent Van Gogh (64 p. 6,10€)?
Donc, la conférence de Garcia Lorca part du constat que les berceuses espagnoles sont toujours d'une désolante tristesse : Fais dodo, mon enfant, dors, Ta maman n’est pas ici La Vierge l’a emmenée, Pour lui tenir compagnie. Ce particularisme ibérique entraîne Lorca sur tous les chemins d’Asturies en Galice, d'Andalousie en Castille, "partout ou s'ouvre la petite oreille tendre et rose", il recueille en ethnologue des chapelets de notes et de paroles susurrées qui "accentuent leur caractère poétique et leur fonds de tristesse" comme dans nul autre nation en Europe. Lorca interroge ce point, remonte les âges, esquisse une généalogie orale transmise de nourrice en nourrice depuis des temps immémoriaux. Dans ces années 30 où l’identité nationale travaillait aussi les poètes, Lorca trace les contours d’une Espagne bien réelle à ses yeux, et qu’il scrute par cet étrange œilleton, ce merveilleux kaléidoscope où se dévoile un monde chatoyant d'une intensité et d’une richesse insoupçonnées. Il m'a semblé en le lisant que c'est autant de lui qu’il s’agissait, et de son œil de poète qui perce tant de mystères avec peu de science et beaucoup d’intuition mystérieusement juste. Lire ce texte, c’est emprunter ces yeux-là, et suivre le sentier qui mène à la 4ème dimension poétique. D'autant que, comme Lorca l'annonce en débutant l’allocution, il "ne veut pas dessiner mais suggérer (...) placer là où il y aurait un coin sombre, le reflet d'un long nuage et offrir quelques miroir de poche aux dames de l'assistance".

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