vendredi 17 avril 2009

Air de Paris

Il y a dans Paris des objets qui apparaissent, puis disparaissent sans laisser de trace, si ce n’est dans le souvenir de quelques nostalgiques désœuvrés.
Qui se souvient, rue Saint-Jacques, en face du Port Salut, juste au coin de la rue Malebranche, d’une tirette? Cette machine vissée au mur, accessible à toute heure et donc en cas d’urgence, proposait des boîtes à surprises. Une pièce de 5 francs dans la fente et on ouvrait d'un coup sec une espèce de tiroir pour s’emparer d’une petite boîte en carton portant ce slogan naïf qui s'est inscrit dans la mémoire collective : « Plaisir d’offrir. Joie de recevoir ». Dans la boîte, quelques babioles : bijou fantaisie, figurine, bonbon, yoyo, ballon ou farce.
De quoi fasciner un nouvel André Breton, car comment ne pas trouver ça surréaliste aujourd’hui ? Quelles mains ont des années durant sélectionné ces objets délicats pour les insérer dans ces boîtes en prenant soin d’en varier le contenu ? C’est un mystère qui me laisse pantois.
Qui se souvient encore de ces publicités pour la culture physique, partout dans les rues? Ces affichettes allongées étaient semble-t-il conçues pour être collées sur la tuyauterie des immeubles. Imprimées en noir et blanc sur papier fluo, orange, vert ou jaune, elle arboraient toujours un culturiste gonflé à bloc dans une pose appropriée. Ces monstres m’ont longtemps impressionné !
Citons d'autres exemples à la volée : les marchands des quatre saisons (j'ai connu semble-t-il les derniers rue Rambuteau), les clous sur la chaussée, (et parfois des anciens rails de tramway entre les vieux pavés, comme dans la rue Cuvier, à présent macadamisée), les parcmètres à pièce, les wagons deuxième classe du métro, les bus à mezzanine, les poubelles rondes en ferraille dont le couvercle ressemblait à des cymbales géantes, les pervenches à chapeau et foulard, en tailleur Yves Saint Laurent, le Félix Potin du coin ou le Viniprix (qui reprenaient les bouteilles consignées, avec des étoiles sur le goulot), le Tati de la rue de Rennes, le cinéma permanent du Boulevard Saint-Michel (tué par la vidéo), les mendiants qui voulaient "cent balles", la Samaritaine à l’époque où on y trouvait « tout » (j'y trouvais du nougat dur, article rare en France), les places réservées aux mutilés de guerre, la gratuité pour les pupilles de la nation, les tickets jaunes dûment poinçonnés...
Chloë remarquait récemment sur les portes automatiques du métro que le lapin qui se pince la patte pour avoir voulu gagner quelques secondes, laisse place à un mot rédigé au présent de l’indicatif, qui n’est d'ailleurs qu’un impératif déguisé.
Et puis ? Quelle importance ? Que vaut cette écologie urbaine à deux euros face aux photos de Yann Arthus-Bertrand ?!
Aux sympathiques Philippe Delerm et Pierre Sansot, je préfère citer un chanteur presqu'oublié :
« Germaine »
Elle habitait Germaine
Une chambre de bonne Quelque part dans l'cinquième A coté d'la Sorbonne Les WC sur l'pallier Une fenêtre sur la cour En haut d'un escalier Qu'avait jamais vu l'jour (…)
Ca sentait bon chez elle
L'herbe et le patchoulis Le parfum des poubelles Au petit matin gris
« Amoureux de Paname »
Moi j'aime encore les pissotières, j'aime encore l'odeur des poubelles, j'me parfume pas à l'oxygène, l'gaz carbonique c'est mon hygiène.
Renaud Séchan
Réagissez : vous aussi, soyez archéologue de la mémoire et envoyez-moi vos souvenirs ineffables, lointains ou proches.

4 commentaires:

  1. All things must pas...
    D'ailleurs Plaisir d'offrir Joie de recevoir est le titre d'un livre amusant (pour adultes) au Dilettante

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  2. J'espérais que tu eusses allongé ma liste d'objets évanouis... plutôt que de citer Georges Harrison...

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  3. dave
    comme déjà le lapin "pincé" est toujours présent
    ta liste est biaisée
    je pourrais avec mon grand age citer les anciens signaux des teinturiers : une carotte en verre facon tabac avec une bande tricolore qui tournait
    les dernieres -depeche-toi- publicites murales (dubonnet ou cirage)qui apparaissent comme les papiers peints lors de demolitions, les bouts de pavé à bercy et pas seulement rue Cuvier, la dernière pissotière devant la Santé (BF a demandé son classement).... les derniers grillons du métro (plus de tabac pour se nourrir), les boutiques de couleurs....les tubes (fourgonnettes) citroen et les vrais solex... :-)

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  4. Les tubes Citroën, tu veux parler de ces camions-boutiques qu'on voyait sur les marchés de villages? Les enseignes des teinturiers, je crois les revoir, mais je n'en avais jamais connu la signification. Les boutiques de couleurs? Peux-tu préciser?
    La vespasienne de la Santé aurait-elle disparu?

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